Un récent jugement du Tribunal judiciaire de Paris (10 septembre 2025, n° 23/05082) illustre l’importance cruciale de vérifier la disponibilité d’une marque avant de la déposer. Mais il rappelle aussi que toutes les recherches ne se valent pas et que le rôle de l’avocat doit être nuancé.
Plusieurs niveaux de recherches existent
Quand une entreprise souhaite déposer une marque, elle a le choix entre différents types de vérifications :
- Recherche d’identité : permet de savoir si un signe identique est déjà enregistré.
- Recherche à l’identique rapproché : inclut les variantes orthographiques proches.
- Recherche de similitude (ou d’antériorité complète) : bien plus approfondie, elle détecte des signes similaires ou proches, utilisés pour des produits ou services voisins.
Cette dernière est la plus sûre, mais aussi la plus complexe et nettement plus coûteuse. Elle suppose une analyse juridique fine pour évaluer les risques de confusion.
Le risque du déposant
Dans l’affaire jugée, une start-up avait déposé la marque « Lendix » sans véritable recherche approfondie. Quelques années plus tard, elle s’est retrouvée confrontée à la société Lendex, titulaire d’une marque antérieure proche, et a dû changer de nom.
Conséquence : plus d’un million d’euros dépensés en communication et marketing pour rebâtir une identité autour d’un nouveau nom (October).
Cet exemple montre bien que le coût d’une recherche est faible au regard du coût d’un rebranding forcé.
Le rôle de l’avocat : entre devoir de conseil et choix du client
Dans ce dossier, l’avocat avait indiqué que la marque « semblait libre » sans alerter sur les limites d’une vérification rapide.
Le tribunal a estimé qu’il aurait dû mettre en garde son client sur les risques de confusion et sur l’intérêt d’une recherche plus poussée. À défaut, il a engagé sa responsabilité professionnelle.
➡️ Mais attention : cela ne signifie pas que l’avocat est tenu de réaliser systématiquement une recherche d’antériorité complète.
- Son obligation minimale : effectuer au moins une recherche d’identité et en expliquer les limites.
- Son devoir de conseil : informer le client qu’il existe des recherches plus approfondies, plus coûteuses, mais plus sécurisantes.
- La décision finale : appartient à l’entreprise, qui doit arbitrer entre budget et sécurité juridique.
L’enseignement pour les entreprises
- Ne pas se contenter d’un dépôt “sec” : une recherche, même limitée, est indispensable pour éviter les déconvenues.
- Mesurer le risque : une recherche rapide permet un premier filtre, mais elle ne protège pas contre des litiges fondés sur la similitude.
- Demander conseil : l’avocat doit vous présenter clairement vos options, du simple balayage à la recherche complète, afin que vous choisissiez en connaissance de cause.
En résumé :
- Une recherche d’antériorité approfondie n’est pas toujours indispensable, mais il faut être conscient du risque qu’on prend en l’écartant.
- L’avocat engage sa responsabilité s’il se contente d’affirmer qu’une marque est “libre” sans rappeler ces limites.
- L’entreprise doit assumer un choix éclairé entre coût immédiat et sécurité future.