LinkedIn, la réputation… et ses limites : que retenir de la décision de l’EUIPO ?

Dans une décision du 12 septembre 2025 (Opposition Division, EUIPO, aff. B 3 203 697), l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle a rappelé une règle fondamentale : la réputation d’une marque, aussi forte soit-elle, ne se transfère pas automatiquement à toutes ses déclinaisons.

Pourquoi LinkedIn a invoqué la renommée de sa marque ?

Dans cette affaire, LinkedIn s’opposait à l’enregistrement d’une marque concurrente en invoquant deux arguments :

  1. Le risque de confusion avec sa marque antérieure, fondée sur l’article 8 § 1 b) du règlement sur la marque de l’UE.
  2. La renommée de sa marque, sur le fondement de l’article 8 § 5 RMUE.

Le second argument est particulièrement intéressant. En effet, la « marque de renommée » bénéficie d’une protection élargie : il n’est pas nécessaire que les produits ou services soient identiques ou similaires. Dès lors que le public associe spontanément le signe contesté à la marque réputée, l’opposition peut prospérer, même en dehors du périmètre habituel de protection.

LinkedIn espérait ainsi empêcher l’enregistrement d’un signe comportant l’élément « in », utilisé depuis longtemps comme son logo emblématique.

La réponse de l’EUIPO

Si l’Office a reconnu l’énorme notoriété de la marque LinkedIn elle-même, il a refusé d’étendre cette réputation à l’élément isolé « in ».

Pourquoi ? Parce que la preuve apportée concernait exclusivement la marque LinkedIn dans son ensemble : chiffres d’utilisateurs, valeur de marque, fréquentation du site, campagnes de communication. En revanche, aucune preuve n’établissait que le « in » stylisé, pris seul, jouissait d’une réputation autonome auprès du public.

L’EUIPO a donc estimé que la renommée du signe global ne pouvait pas être « découpée » pour être transférée mécaniquement à une de ses composantes.

L’enseignement à retenir pour les titulaires de marques réputées

Cette décision illustre une idée simple mais cruciale :

  • La renommée est un atout considérable pour défendre une marque, car elle permet de bloquer des enregistrements même pour des produits ou services différents.
  • Mais cette arme suppose de prouver la renommée de chaque signe invoqué. Une « sous-marque », une abréviation, un logo simplifié ou un élément détaché du signe principal doit faire l’objet d’un usage suffisant et reconnu par le public pour bénéficier à son tour de la protection élargie.
  • À défaut, l’argument de la réputation tombe, comme ce fut le cas pour LinkedIn avec son « in ».

Conclusion

La décision LinkedIn rappelle aux entreprises que la gestion de leur portefeuille de marques doit aller au-delà de la protection du signe principal. Les variantes exploitées — logos simplifiés, slogans, sigles — doivent elles aussi être protégées et documentées dans leur usage. Car en cas de litige, l’EUIPO ou les tribunaux ne se satisferont pas d’une réputation globale : ils examineront la notoriété du signe exact invoqué.